dimanche 8 avril 2018

Livre: Libérer la colère



Libérer la colère
Sous la direction de Geneviève Morand et Natalie-Ann RoyIllustrations de Natalie-Ann Roy
ISBN: 978-2-89091-620-3201813 • 19 cm208 pagesEn librairie

J’ai pensé bien naïvement que j’allais lire ce livre en prenant mon temps, pour pouvoir digérer les mots durs, les images violentes; pour me donner le temps de calmer mes indignations. Parce ce que OUF! C’est du gros stock qu’il y a là-dedans! Et j'ai commencé. Un mot après l'autre. Un texte après l'autre et j'ai continué, m'abreuvant comme une assoiffée dans le désert.

Et c'est arrivé comme une explosion. 

NON! Je veux avaler les mots de mes sœurs d’un coup. M'étouffer avec s'il le faut. Les absorber entièrement. Leur donner un refuge. Une place pour que leur parole puisse se faire un nid et grandir, fleurir, éclore et se répandre partout.

De quoi ai-je peur en prenant mon temps pour "digérer"? De découvrir que je n'ai rien fait même si je savais? De voir à la lumière crue toutes les fois où j’ai détourné le regard pour "ne pas avoir à gérer ça"? De recevoir une claque en pleine face qui me réveillerait de ma torpeur, de mon inaction pendant que mes sœurs autochtones se font bâillonner, et annihiler? De voir toutes les fois où j’ai gardé un silence gêné quand on insultait mes sœurs noires, bridées, voilées?

Ai-je si peur de faire face à ma petitesse?

Mais qu’est-ce que j’ai dont besoin de digérer? La vérité?

La vérité est salvatrice. Elle nous libère de nos cancers mentaux. Ces idées ancrées en nous dès le berceau que nous sommes moindres, petites et faibles, que l’on se doit de garder nos regards humbles, que nos voix se doivent de maintenir un silencieux respect. Ces idées qui implosent en nous et nous retirent l'envie de vivre. 

Lorsque l'on aura complètement enlevé aux femmes le goût de protéger la vie, il en sera terminé de nous. La terre deviendra stérile et la source sera tarit à jamais. Le pouvoir des femmes est profond et se vit au creux du ventre, comme la terre qui enveloppe ces graines qui deviendront des arbres, qui produiront des fruits. Ce pouvoir est vital pour notre survit.

Oui c’est bon la vérité. Ça goûte le vent frais du printemps. Ce vent qui pu la terre mouillée et les poubelles éventrées dans les ruelles. Il est enfin le temps de faire le ménage.

Je lis d'un coup, sans respirer pour ne pas les abandonner un seul instant. J'ai besoin de cette vérité pour me remettre à respirer avec toutes mes sœurs et redonner du rythme à notre cœur vibrant.

Peut-on pour une fois entendre cette blessure,  cet appel, ce cri du cœur sans le mettre en opposition à d’autres enjeux? La conscience collective féminine prends déjà soin de toutes les autres blessures au détriment de la sienne. Femme nous donnons la vie, la nourrissons, la protégeons. Quelque part en chemin nous nous sommes perdues. La source a été détournée lorsque les humains ont commencé à s'entre-tuer.

Lorsque la femme s’est objectée, tenant entre ses bras son fils, son mari, son frère, mort de la main d’un autre frère, on lui a dit de se taire. Quelle ne comprenait rien aux choses sérieuses. On lui a retiré sa dignité de mille façons, l’infantilisant, la violant, la battant, l’avilissant, l’humiliant, la menaçant, imposant une courbure à son échine qui en prenait déjà large.

Aujourd'hui, je lis et j'entends la colonne vertébrale se déplier, craquer en se redressant. La femme est grande, son regard porte loin. Lorsque la femme chante, le monde s'allège d'un lourd poids. Lorsqu'une femme pleure, la guérison devient possible. Lorsqu'une femme parle, sa sagesse apporte le renouveau. C’est lorsque les femmes se sont rassemblées qu’elles ont pris de la force. Entre deux tricots et deux marmots elles ont continué de murmurer dans les cuisines. Le murmure est maintenant devenu un cri, un appel, un écho de la profonde sagesse qu'elles portent depuis la nuit des temps.

Aujourd'hui mes sœurs je vous lis et c'est bon.

Pour se procurer le livre: Libérer la colère

Avec amour et respect!
ML

Notes: C'est touchant de voir un de mes textes dans ce collectif. Je sens un élan de profonde liberté à partager ce chemin avec ELLES. Mon texte s'intitule Au cœur du volcan, p.141 et parle de la colère étouffée et niée de l'enfant battue et humiliée, qui maintenant rendue grande, ne trouve aucun exutoire pour l'exprimer. Qui, devenue adulte, oserait faire le bacon par terre comme un enfant de 5 ans? Comment éteint-on le volcan qui gronde encore 30-40-50 ans plus tard?





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