Jour 1 – Tadoussac
Ici, il y a les rencontres.
C’est le cœur de mon expérience à Tadoussac. À chaque visite. Après l’accolade
violente du vent, l’odeur et l’immensité du fleuve, il y a
les gens.
Les gens d’ici, les gens de
passages, les nomades, les artistes, les gens du fleuve, ceux de la forêt, les
marins, les trippeux, les curieux, les kids-kodak qui courent après la meilleure
photo de baleine, de phoque, de béluga, de vagues, de scintillement sur l’eau,
de vent dans les arbres, de force des éléments, mais surtout la meilleure photo
qui pourrait traduire cette sensation d’être infiniment petit qu’ils ont devant
la majesté du grand fleuve et de ses mammifères géants.
Ici, je rencontre des gens.
C’est facile. Ça ne se passe même pas dans les regards. Tu te mets juste à
discuter. Comme ça. Sans détour. Avec la personne à côté de toi.
Aujourd’hui, j’ai rencontré
Andrée. 74 ans. Elle passe deux mois à vélo sur les routes du Québec.
Nous avons commencé à parler du
vent qui a déraciné un arbre à côté de sa tente. Elle se demandait quand le vent
allait tomber.
Elle m’a expliqué comment à
67 ans, elle a entreposé tout son stock pour partir à vélo. Libre. Suivre son
intuition. La seule chose qui faisait du sens c’était l’instant présent. Elle n’avait
pas de destination précise. Juste le vent et son compas intérieur.
À chaque année, elle prend
les deux mois d’été et elle roule. Toute seule.
Andrée. 74 ans. Cancer du
sein à 37 ans.
Nous avons beaucoup ri.
Nous avons ri de nos
carcans, de nos théories du contrôle de soi lorsque l’on est une femme. Nous
avons ri de notre propre jugement interne, contrôlant nos moindres faits et
gestes, encore plus dévastateur que le jugement des autres. Notre peur d’être
inadéquate.
Andrée a rencontré un homme
il y a 1 an. Une relation qui témoigne de sa guérison intérieure, de sa passion
pour la vie. Une « relation dans le cœur » comme elle dit. Il a 35
ans. Son regard pétille lorsqu’elle en parle. Je sens dans son regard la force
du vent qui la pousse. Je sens l’instant présent qui la fait vibrer. Non, ce n’est
pas une histoire de cul, dit-elle.
Nous avons beaucoup ri des conventions. Elle
respecte l’incompréhension des autres. Et elle continue de vivre sa vie.
J’avais besoin de rencontrer
Andrée aujourd’hui. Besoin d’entendre que d’entreposer mes affaires et de
partir sur la route pour quelques mois c’est bon si c’est ça que notre cœur nous
dit.
L’instant présent c’est la
seule chose qui fait du sens, m’a-t-elle redit.
Merci Andrée.
Avec respect!
ML
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