1ère partie
Enfin il trouve ce qu’il cherche. Elle vient tout juste de s’asseoir à la table à côté de lui. Une brunette, parée de lunettes rondes cerclées d’or. Les cheveux aux épaules volant à tout venant. D’un geste léger elle les repousse vers l’arrière. Elle porte une fine blouse blanche et opaque qui ne dévoile rien. Un seul bouton est prudemment détaché au col. Une jupe longue jusqu’aux genoux complète cet habit discret. Une étudiante. Non, une secrétaire. Une vendeuse? Les mouvements sont chastes et retenus. Que lit-elle? Il penche un peu la tête pour lire le titre. Un obscur traité de psychanalyse. Une étudiante. Sentant le regard posé sur elle, elle lève la tête et sourit. Surpris, il sourit à son tour, ayant l’impression, l’espace d’un instant, d’être la proie dans la lunette du chasseur. Reprenant le contrôle de lui-même il ouvre la bouche pour lui dire une banalité sur le vent.
- Enlevez vos lunettes noires que je puisse voir vos yeux!
Plus rapide que lui, elle décoche un tir direct. Surpris à nouveau par tant d’assurance, il décide de jouer le jeu. D’un geste lent, il enlève ses verres fumés, dévoilant des yeux bleus comme la mer par temps gris. Un regard intense, insoutenable. Sans paraître dérangée le moins du monde, elle lui rend un regard rieur et profond, plongeant jusqu’au tréfonds de son être. Jamais il n’avait vu autant de candeur. Troublé, ne sachant que dire, il reste là tout bonnement à la regarder.
- Vous me semblez timide, dit-elle enfin.
- Vous allez me psychanalyser, répond-il en pointant le livre.
Son rire éclate comme une pluie de cristaux brisés dans l’air chaud de l’après-midi. Plusieurs têtes se tournent dans sa direction. Insensible au regard des autres, elle ajoute :
- Et pourquoi pas, hoquette-t-elle, en proie à un fou rire incontrôlable.
Soudain il se rend compte qu’elle se joue de son air de fausse assurance, de faux dragueur. Elle ne croit pas qu’il ira plus loin que la simple envie de regarder. Il voit avec aigreur qu’elle comprend que sa chasteté l’attire; que ce qu’elle ne dévoile pas l’attire. Il est tenté de se lever et de partir. Il ne tirera rien d’elle. Il n’arrive pas à garder le contrôle et c’est dangereux. Pourquoi rester? Parce qu’il en a envie. Il a le goût de rester, de voir jusqu’où ça va le mener. Il aime le danger. Sa vie est une longue suite de secrets dangereux, de regards qui se vident de vie. Que donnerait-il pour effacer la vie de cette femme qui le nargue. Juste avec ses doigts autour de son cou fragile.
- Ne vous fiez pas à ça! C’est juste par curiosité. C’est un livre qui parle de pulsions et de notre façon, comme être humain, de les contrôler ou non ou encore d’aller jusqu’au bout.
La voix de la jeune femme le rappelle soudain à la réalité. De son cou, ses yeux remonte jusqu’à ses yeux.
- Ah…
Que dire de plus. Elle semble lire son âme en détail. Tentant de reprendre contenance, il ajoute :
- Et vous? Est-ce que vous allez au bout de vos pulsions?
- Est-ce que vous aimeriez une démonstration?
Décontenancé, il ne sait plus sur quel pied danser. Il aimerait se mettre en colère, être outré de se faire regarder avec autant d’impudence. Il reste là, mou devant autant d’innocence et de lucidité.
- Vous me plaisez, dit-il enfin, jouant la carte de la franchise. Sa dernière carte. Elle sourit encore sans surprise, ne lui faisant pas l’affront de répondre qu’elle le savait.
à suivre...
Pensées, reflets d'âmes emprisonnées entre l'ici et l'au-delà, murmures captés dans les égrégores anciens et nouveaux. Mots. Je marche sur le mince fil entre l'ombre et la lumière. Lumière éblouissante dans vos ténèbres. Ombre dans le jour éclatant. Je suis celle qui écoute les murmures du vent et les voix qui hurlent dans la tempête. Celle, qui des larmes, fabrique des colliers de mots et les raconte. Je suis celle qui apprend et s'inspire des êtres dont elle croise la route.
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