lundi 9 juillet 2018

Le vent du large

Jour 4 - Tadoussac

En fin de semaine, j'ai eu le privilège d'aller faire un tour de bateau. Un concours de circonstances, bref, j'étais au bon endroit, au bon moment.

Ça me chicote toujours un peu le safari aux baleines. J'ai posé des questions que sûrement la plupart des gens ne posent pas. "Est-ce que vous faites ça avec respect?" On se rappelle que les baleines ne sont pas à l'aquarium, mais bien dans leur habitat naturel. Alors, courir d'un bord et de l'autre du fleuve, en chassant la baleine, ça m'intéresse moins. Mais soyons honnête... j'avoue que j'ai le goût de les voir, alors mes principes se font plus discrets. Je suis tout de même tombée sur un capitaine respectueux et pas cowboy.

Ce fût magique. Il y a même un phoque qui est soudainement apparut à côté de nous. Curieux. Détendu. Joyeux. (Je fais de la projection, j'étais joyeuse de le voir!)

Je suis touchée de voir des baleines. J'ai même vu une mère et son petit. Il y a de quoi de soyeux dans leur présence qui me réconcilie avec une partie de moi oubliée. Une partie qui se nourrit de paix et de douceur. Une partie généreuse qui ouvre son coeur, donne et reçoit sans peur de manquer.

Mais ce qui m'a le plus touchée durant le 2h30 que j'ai passé sur le fleuve, c'est le vent.

Le vent qui m'a gelé la face.

Le vent que j'ai pris de face avec arrogance.

Est-ce que j'en ai marre des obstacles et des circonstances épuisantes dans ma vie?

Tiens, vent! Je ne bougerai pas d'un millimètre. Je me tiendrai droite et solide.

Il n'y a rien dans toute ma vie qui m'a fait fléchir au point où j'ai brisé. J'avoue que plusieurs fois j'ai eu envie de courber l'échine et d'abandonner.

Il y a trois mois, j'ai gravi une montagne. Je suis devenue cette montagne de roches, dure, solide qui traverse le temps, même si les maisons et châteaux sont en ruines sur son flanc.

Aujourd'hui je suis devenue le vent. Ce vent de face qui avance sans jamais reculer, qui contourne les obstacles ou les déracine, les arrache, les fait plier ou les brise.

Je suis un vent du large. Libre.

Avec respect!
ML






vendredi 6 juillet 2018

Les rencontres

Jour 1 – Tadoussac

Ici, il y a les rencontres. C’est le cœur de mon expérience à Tadoussac. À chaque visite. Après l’accolade violente du vent, l’odeur et l’immensité du fleuve, il y a les gens.

Les gens d’ici, les gens de passages, les nomades, les artistes, les gens du fleuve, ceux de la forêt, les marins, les trippeux, les curieux, les kids-kodak qui courent après la meilleure photo de baleine, de phoque, de béluga, de vagues, de scintillement sur l’eau, de vent dans les arbres, de force des éléments, mais surtout la meilleure photo qui pourrait traduire cette sensation d’être infiniment petit qu’ils ont devant la majesté du grand fleuve et de ses mammifères géants.

Ici, je rencontre des gens. C’est facile. Ça ne se passe même pas dans les regards. Tu te mets juste à discuter. Comme ça. Sans détour. Avec la personne à côté de toi.
Aujourd’hui, j’ai rencontré Andrée. 74 ans. Elle passe deux mois à vélo sur les routes du Québec.

Nous avons commencé à parler du vent qui a déraciné un arbre à côté de sa tente. Elle se demandait quand le vent allait tomber.

Elle m’a expliqué comment à 67 ans, elle a entreposé tout son stock pour partir à vélo. Libre. Suivre son intuition. La seule chose qui faisait du sens c’était l’instant présent. Elle n’avait pas de destination précise. Juste le vent et son compas intérieur.

À chaque année, elle prend les deux mois d’été et elle roule. Toute seule.

Andrée. 74 ans. Cancer du sein à 37 ans.

Nous avons beaucoup ri.

Nous avons ri de nos carcans, de nos théories du contrôle de soi lorsque l’on est une femme. Nous avons ri de notre propre jugement interne, contrôlant nos moindres faits et gestes, encore plus dévastateur que le jugement des autres. Notre peur d’être inadéquate.

Andrée a rencontré un homme il y a 1 an. Une relation qui témoigne de sa guérison intérieure, de sa passion pour la vie. Une « relation dans le cœur » comme elle dit. Il a 35 ans. Son regard pétille lorsqu’elle en parle. Je sens dans son regard la force du vent qui la pousse. Je sens l’instant présent qui la fait vibrer. Non, ce n’est pas une histoire de cul, dit-elle. 

Nous avons beaucoup ri des conventions. Elle respecte l’incompréhension des autres. Et elle continue de vivre sa vie.

J’avais besoin de rencontrer Andrée aujourd’hui. Besoin d’entendre que d’entreposer mes affaires et de partir sur la route pour quelques mois c’est bon si c’est ça que notre cœur nous dit.

L’instant présent c’est la seule chose qui fait du sens, m’a-t-elle redit.
Merci Andrée.

Avec respect!
ML