lundi 12 novembre 2007

Chasse à l'homme - 2ème partie

1ère partie

Enfin il trouve ce qu’il cherche. Elle vient tout juste de s’asseoir à la table à côté de lui. Une brunette, parée de lunettes rondes cerclées d’or. Les cheveux aux épaules volant à tout venant. D’un geste léger elle les repousse vers l’arrière. Elle porte une fine blouse blanche et opaque qui ne dévoile rien. Un seul bouton est prudemment détaché au col. Une jupe longue jusqu’aux genoux complète cet habit discret. Une étudiante. Non, une secrétaire. Une vendeuse? Les mouvements sont chastes et retenus. Que lit-elle? Il penche un peu la tête pour lire le titre. Un obscur traité de psychanalyse. Une étudiante. Sentant le regard posé sur elle, elle lève la tête et sourit. Surpris, il sourit à son tour, ayant l’impression, l’espace d’un instant, d’être la proie dans la lunette du chasseur. Reprenant le contrôle de lui-même il ouvre la bouche pour lui dire une banalité sur le vent.

- Enlevez vos lunettes noires que je puisse voir vos yeux!

Plus rapide que lui, elle décoche un tir direct. Surpris à nouveau par tant d’assurance, il décide de jouer le jeu. D’un geste lent, il enlève ses verres fumés, dévoilant des yeux bleus comme la mer par temps gris. Un regard intense, insoutenable. Sans paraître dérangée le moins du monde, elle lui rend un regard rieur et profond, plongeant jusqu’au tréfonds de son être. Jamais il n’avait vu autant de candeur. Troublé, ne sachant que dire, il reste là tout bonnement à la regarder.

- Vous me semblez timide, dit-elle enfin.
- Vous allez me psychanalyser, répond-il en pointant le livre.

Son rire éclate comme une pluie de cristaux brisés dans l’air chaud de l’après-midi. Plusieurs têtes se tournent dans sa direction. Insensible au regard des autres, elle ajoute :

- Et pourquoi pas, hoquette-t-elle, en proie à un fou rire incontrôlable.

Soudain il se rend compte qu’elle se joue de son air de fausse assurance, de faux dragueur. Elle ne croit pas qu’il ira plus loin que la simple envie de regarder. Il voit avec aigreur qu’elle comprend que sa chasteté l’attire; que ce qu’elle ne dévoile pas l’attire. Il est tenté de se lever et de partir. Il ne tirera rien d’elle. Il n’arrive pas à garder le contrôle et c’est dangereux. Pourquoi rester? Parce qu’il en a envie. Il a le goût de rester, de voir jusqu’où ça va le mener. Il aime le danger. Sa vie est une longue suite de secrets dangereux, de regards qui se vident de vie. Que donnerait-il pour effacer la vie de cette femme qui le nargue. Juste avec ses doigts autour de son cou fragile.

- Ne vous fiez pas à ça! C’est juste par curiosité. C’est un livre qui parle de pulsions et de notre façon, comme être humain, de les contrôler ou non ou encore d’aller jusqu’au bout.

La voix de la jeune femme le rappelle soudain à la réalité. De son cou, ses yeux remonte jusqu’à ses yeux.

- Ah…

Que dire de plus. Elle semble lire son âme en détail. Tentant de reprendre contenance, il ajoute :

- Et vous? Est-ce que vous allez au bout de vos pulsions?
- Est-ce que vous aimeriez une démonstration?

Décontenancé, il ne sait plus sur quel pied danser. Il aimerait se mettre en colère, être outré de se faire regarder avec autant d’impudence. Il reste là, mou devant autant d’innocence et de lucidité.

- Vous me plaisez, dit-il enfin, jouant la carte de la franchise. Sa dernière carte. Elle sourit encore sans surprise, ne lui faisant pas l’affront de répondre qu’elle le savait.

à suivre...

vendredi 19 octobre 2007

Incursion dans un univers parallèle

Je reviens du cinoche. J'ai été voir Across the Universe. Comme je suis une accro de la musique des années 60 et 70 évidemment j'ai plongé dans le film comme si je le vivais à la seconde où je le voyait. La musique s'est incrustée sous ma peau dès le début. Je ne vous raconterai pas le film, ni son propos. Vous irez le voir. Ou pas.
Une émotion intense et inattendue. Let it be, des Beattles, chanté par un jeune noir a capella, repris en cœur par une chorale gospel, sur des images de manif contre la ségrégation raciale à Détroit. Les coups de feu dans la foule. Intenses et inattendues, les larmes et le feu sous ma peau dorée.
Je ne peux m'empêcher de frémir lorsque furtivement, au détour d'un film, d'un documentaire ou d'une discussion je pense à la chance que j'ai de vivre ici... libre. Je n'entrerai pas dans une discussion sur le racisme actuel. Je vous parle simplement d'une émotion, qui surgit, non pas parce que j'ai la peau noire, mais parce qu'elle est là tout simplement. La souffrance m'écorchant profondément.
Oui parce que j'ai la peau noire. Une incursion furtive dans un monde qui semble n'avoir pas existé. Comme une histoire inventée. Mais c'est une histoire bien réelle... qui vibre dans ma mémoire cellulaire.

jeudi 11 octobre 2007

Éteindre le soleil

À la demande générale, je vous présente une autre luciole. Je ne l'ai pas nommé encore parce qu'elle est l'ensemble de plusieurs jeunes filles et femmes qui ont vécu cette expérience. Voici quelques notes que j'ai retrouvé en faisant du classement. Avertissement aux âmes sensibles.

Je ne crois pas avoir eu mal. Un inconfort tout au plus. Je n’ai pas eu peur, malgré le bruit de l’appareil, un long tube aspirateur. Seulement la conscience soudaine que j’aimerais être ailleurs. Voguer dans le rayon de soleil qui filtre à travers les stores. Me blottir dans la chaleur de cette main dans la mienne. Me perdre dans le souvenir de mon grand-père heureux. Force tranquille.

Je suis seule dans la ville. Ville inconsciente de la vie qui est sortie de moi et qui baigne au fond d’un bocal clair. Trois centimètres d’amour… une perle, une larme jamais pleuré. Je marche dans le grand parc sous les arbres qui semblent se rapprocher de moi. Enveloppant, m’offrant leur inconditionnelle présence, me pardonnant le sacrifice que j’ai du faire. Sacrifier l’amour, par peur de la mort. Je n’arrive pas à pleurer. Je vais seule dans la ville, ultra consciente du temps qui s’écoule. Amère.

Le retour à la maison. Petite vie où tout le monde semble bien se foutre de ce qui peut m’arriver. Personne ne me demandera comment je vais. Comment ça c’est passé. Personne ne saura jamais que j’ai porté l’univers l’espace d’une inspiration et que dans un seul soupir libérateur je l’ai laissé aller.

Personne ne saura que j’ai laissé la vie au fond d’un bocal clair et que j’ai arraché un rayon au soleil pour enfin pleurer.

mardi 9 octobre 2007

Breakfast et chocolat!

Elles sont six assisent dans le salon. Une gang de poulettes de 11-12 ans. Pauvre nous parents qui devont années après années, nous renouveler et créer la fête des fêtes. À 12 ans, c'est un "paorti". Donc fini les jeux faciles, les sacs à surprise et les clowns. L'an dernier pour ses 11 ans, j'ai organisé un meurtre et mystère. Un hit! Et cette année, "celle qui complote pour grandir" avait l'air de dire que "il FAUT que ça soit le fun!" En fait, c'est peut-être juste dans ma tête, la pression, mais il fallait trouver une idée.

Finalement, je leur ai organisé un cocktail dinatoire.

- C'est quoi un dine à t'oir?
- Ça veut dire un dîne à soir.
- Ben non, c'est avec les napkins.

J'ai réussi à expliquer tant bien que mal. Regards sceptiques, mais quand même un peu d'ouverture. Je suis quand même la maman qui a organisé un muerte mysterio mémorable. Je garde quelques surprises en réserve, des fois que le film et le jeu tombe à plat, je me rattrapperai sur le dessert. En désespoir de cause, ma grande de 16 ans est une entertainer hors-pair. Et il y a toujours le grand gars qui vit dans mon sous-sol, parfois il apparaît, conte des jokes et retourne dans sa caverne. Je l'ai vu la tête dans le frigo vers 10h, donc il est là.

Me voici au moment fatidique : le film. Pour mettre les filles dans de bonnes dispositions et créer une impression, j'ai ouvert avec des smoothies servies dans des verres à cocktail avec du sucre autour. Chips et guacamole maison avec assiette de crudités (je sais, un peu trop santé, mais elles n'ont laissé que le brocoli).

Le film. Pour ne pas gérer des "Je l'ai vu!" et des "C'est plate ce film là!", j'ai choisi moi-même le film. Mauvaise idée me direz-vous? L'apprentissage de la démocratie ce fait à tout âge. Laissez-moi vous dire que pour une fête (oups un "paorti") la dictature est le meilleur moyen de s'assurer que tout se passe bien. (Ok j'arrête, je sens que je m'enfonce!).

J'ai donc loué Breakfast Club.

- C'est quoi ça breakfeeust club?
- Ah... ya des sous-titres.
- Hein? C'est un vieux film... c'est surement plate.
- Je comprends pas l'anglais!

Vite! Vite! Une diversion!

- Wow du pop corn!
- Yeah! Des nounours surettes.
- Ah! Check la réglisse!

Je me démène, l'air enrôlant.

- Faites-moi confiance. C'est vraiment bon! C'est un film d'ado. C'est l'histoire de cinq ados en retenue un samedi.
- Quoi? Y vont à l'école un samedi?
- Ça se peut pas.
- CHUT! ça commence...

Tout va bien, jusqu'à ce que... je trouve un bout vulgaire. Malaise. Je me souvenais pas que c'était si vulgaire. Surtout quand tu le lis. Les poulettes trouvent ça drôle. Un peu vieux jeu peut-être la petite mère? Enfin, j'assume mon choix et retourne à mes petits fours. Les éclats de rire qui viennent du salon me rassurent.

Le clou du spectacle, une fondue au chocolat servie dans la salle à dîner. Un ananas dans lequel j'ai piqué des morceaux de fruits tout autour. Des écorces de melon miel débordantes de rondelles de banane. (Je pense que le gars qui vit dans mon sous-sol a pris une photo.)

Mais le moment fort de la journée c'est cet éclat lumineux dans les yeux de mon ange. Il me suffit de lui dire que je l'aime pour qu'il brille encore plus intensément.

Douze ans, déjà!

Bon qu'est-ce que je pourrai bien inventer pour l'an prochain...

lundi 8 octobre 2007

Chasse à l'homme - 1ère partie

Son regard s’attarde sur les courbes des passantes. Des regards qu’il dissimule sous un air de fausse innocence. L’œil lubrique derrière des lunettes noires, il regarde les épaules. Fortes. Rondes. Tombantes. Crispées. Détendues. Nues. Surtout les épaules dénudées. Striées d’un mince cordon qu’il ferait glisser avec ses dents.

Il aime les peaux bronzées, foncées, au goût de soleil. Souvenirs d’un voyage dans les pays chauds. Épaules tropicales. S’il en a l’occasion, il porte un regard sur la nuque, qu’il fait glisser le long du dos. Aucune ne se doute de l’examen furtif, du jugement hâtif. Mais il ne pense à rien, ne juge de rien. Il apprécie. Il goûte d’un œil connaisseur les multiples courbes qui s’offrent à ses yeux. Certaines ont des bras sublimes. Une caresse du revers de la main prouverait leur douceur. Une peau douce comme le satin, qui s’allonge sans fin. Une caresse infinie, d’une langueur infinie qui arracheraient des frissons et des vagues de passion. Des doigts qui s’agripperaient pour retenir le contact de cette main encore une autre seconde et une autre encore.

Il n’aime pas les bijoux. Artifices inutiles qui voilent la véritable beauté du corps. Qu’est-ce qu’un long cou attirant enchaîné d’or? Son regard se détourne. Durant de longues minutes, il s’évade dans le souvenir de la première femme qu’il ait aimé. Aimé? Il était encore jeune à l’époque, impatient d’apprendre, de connaître, de laisser ses sens apprivoiser les délices féminins. Enfin mettre les mains sur de fines épaules, les masser. Sentir sous ses doigts les muscles s’abandonner à son contact. Longuement, il l’avait regardé, nue et offerte. Mal-à-l’aise devant son regard inquisiteur, elle avait pris les devants. Décevant. Elle avait commencé à le caresser. Il aurait préféré attendre. Regarder. Toucher. Sentir et goûter. Il aurait préféré prendre le temps d’éveiller son plaisir. Mécaniquement, elle avait précipité les gestes. Il était resté sur sa faim. Elle n’avait jamais eu la chance de comprendre comment elle n’avait pu le combler.

Un éclat orangé lui fait soudain lever la tête. Quelle splendeur! Habillée d’une sublime robe couleur de feu, diaphane, sans fards, ni bijoux, une princesse africaine s’expose à son regard. Elle attend, impatiente, un rendez-vous qui n’arrive pas. Hautaine et grave, elle rayonne d’un éclat mystérieux. Aucune bretelle! La nuque dégagée par une coiffure relevée sur la tête, les épaules dévoilent une peau terre brûlée qui lui coupe le souffle. Tranquillement comme un prédateur, il détaille, découpe chaque parcelle de peau qu’il aperçoit. La chute de reins le ravi et il regarde sans plus aucune réserve, descendant son regard le long des longues jambes fines. Souriant devant le petit pied en sandale qui tapote le sol furieusement. Il n’ose regarder les bras. Des bras qu’il rêverait d’avoir autour de sa taille, autour de son cou, pour sentir leur douceur velouté. Il aimerait voir le contraste de ses mains sur sa peau de café. De l’épaule, son œil descend le long du bras vers les doigts qu’il espère longs et raffinés. Corrompant les doigts les plus célestes qu’il ait vu depuis une heure, une cigarette.

Déçu son regard se détourne et s’éveille devant un décolleté plongeant sur de petits seins ronds pointant à travers une magnifique broderie blanche. D’une indécence qui le fait sourire, il lève ses lunettes et plonge dans les yeux bruns de la demoiselle. Surprise, elle esquive son regard.

À suivre... 2ème partie

mercredi 3 octobre 2007

Disgression

Ah ah! Je suis allée faire un brin de causette avec le vent de l'automne et les quelques rayons de soleil qui trainent encore dehors à cette époque de l'année. Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas faire ce que je dis. Le résumé de mon super roman est presque terminé. Bon il n'est pas terminé. Je suis perfectionniste. Non pas que je commence à m'en rendre compte, mais ce que j'écris a souvent un petit goût d'imperfection dans l'arrière-plan. Je ne voudrais pas offenser mes lecteurs en leur servant un plat qui manquerait de cuisson.
Bon comme c'est mon blog, je me permet de faire une disgression. J'écris à temps perdu des poèmes et dans les derniers mois, j'en ai écrit plusieurs en anglais. En voici un. Peu importe comment je le regarde, je n'arrive pas à le traduire, il perd de sa saveur.
Pour ceux qui se demande pourquoi diable j'écrirais en anglais? Disons que c'est un autre côté de moi qui se manifeste. Un côté plus sombre, parfois sanglant, morbide et cynique, avec lequel je me réconcilie et qui commence à transparaître, même en français. Tranquillement je vous amènerai à cet aspect de mon monde intérieur qui est diamétralement opposé à l'image que je projète en général.


Once in my garden

I whisper your name in cold fog
Once there was warmth in it
Once there was meaning in it

Soul wandering in desert lands
Planting seeds
Seeking ardent embrace
From hands growing in frozen soil
Fingers cut in icy wind
Spinning in the winter breeze
Tears flooding in a vain attempt
To wake lust in them again

I carve your name in my dead flesh
Once blood flown in it
Once a heart beat in it

Naked I stand above crowd rumours
Exposed to lies, wounds and cuts
Bushes of thorns growing on my path
Poisoning my heart with sharp words
In the desert land of my soul
You died on a sunny day
I now walk the arctic night
Blind

I whisper your name one last time
Once there was light in it
Once there was life in it

I erase your name in spring season
As new hands grow in my garden
Unknown sensations on glowing skin
Awaking
Legs and arms whispering new names
On fresh earth growing fame
Memories fading at sunrise

To let you die once again

mardi 25 septembre 2007

Le creux de la vague

Et oui il fallait que ça arrive. Expansion et contraction. Après une semaine où je me suis amusée beaucoup à trouver comment j'allais nourrir mon blogue, j'ai fait la rencontre avec le creux de la vague. J'ai de bonnes résolutions d'être en totale pleine expression, de partager ouvertement mon monde, mais je trouve ça absolument intolérable!!! Donc pendant une semaine j'ai fait semblant d'écrire dans ma tête, tout en me dénigrant et en trouvant plein de superbes raisons pour ne plus jamais écrire une seule ligne. Le tout dans un contexte où l'écriture est dans les catacombes des priorités et ça me rend triste.
Comment est-ce que je fais pour sortir du creux? Je me réengage et recrée le contexte. Donc le contexte est maintenant : authenticité et dévoilement. Mon roman revient en tête de liste des priorités, avec un plan et une structure qui me permet d'avancer. Sans oublier le soutien des gens qui m'entourent. Ça j'oublie souvent. Être en communication. Je suis du genre à aller me morfondre toute seule dans mon coin. Il faut dire que la semaine dernière, ce que je vous raconte s'ajoutait à d'autres soucis. Mais je me doute que le fait d'être fermée et centrée sur ma petite personne fait en sorte que le reste s'écroule aussi. Mais comme je me dis souvent, j'ai déjà vécu le pire et maintenant j'ai le pouvoir de créer ce que je veux dans ma vie! Donc, fini les plaintes! Alors je me suis remise au boulot.
Je suis toujours aussi inspirée par mon histoire. Je travaille sur un résumé que je vais mettre sur le blogue très bientôt. J'entends déjà des "by when?". Bientôt ça sonne comme "un jour, peut-être, on verra!" Ok, d'ici samedi le 29. Je vous invite à faire des commentaires, ils sont très appréciés!! Voilà, c'était l'introspection passe-partourienne du mois.

Maintenant concernant le plan de travail. Je veux commencer la nouvelle année avec mon roman complètement fini. J'ai eu une offre pour publier les premiers chapitres dans un journal hebdomadaire, pour ensuite le faire éditer en e-book. À moins de trouver une maison d'édition avant. Yeah! Ça veut dire que je n'ai pas le loisir de m'apitoyer sur mon sort. Et que plus que jamais je vais avoir besoin de vos commentaires. Vous pouvez signer anonyme si jamais vous voulez rester... anonyme!

Alors je surfe sur la vague jusqu'à Noël avec vous comme partenaires. N'hésitez pas à parler de moi à vos amis.

lundi 17 septembre 2007

Mimiansa - le souffle de vie

Petite incursion dans le roman Lorsque le fond de la mer a tremblé. Voici donc un premier extrait de ce fameux roman qui m'habite depuis maintenant plus d'un an. Je vous présenterai au fil du temps les différents personnages qui le compose. Aujourd'hui je vous invite à découvrir Mimiansa qui apparait assez tard dans l'histoire, malgré une mention très brève au début. Elle a environ huit ans et est la fille d'une Mamé (sage femme et guérisseuse) très respectée. Elle est un point central de l'histoire alors qu'elle sauve la vie d'un des personnages principaux. J'aime beaucoup les personnages d'enfants qui offrent la possibilité de beaucoup de lucidité et de clarté. (Note technique: Ama veut dire maman dans la langue de Mimiansa.)

Pour une raison inconnue, Mimiansa avait survécu au massacre de son village. Elle avait attendu que la nuit arrive, terrée dans les fougères, son corps minuscule disparaissant, invisible aux regards.

Elle avait courut en silence pour effacer dans le vent le regard vide de sa Mamé et l’image de son ventre ensanglanté. Elle avait courut. Elle avait bouché ses oreilles pour ne pas entendre les hurlements de toutes les Amas que l’on éventrait. Elle avait fermé les yeux pour ne pas voir les enfants écartelés au sol, ni les autres que l’on abattait en leur tirant dans le dos, alors qu’ils tentaient de s'enfuir.

Après deux jours de marche, Mimi avait trouvé une petite maison invisible de la route. Un abri sans personne, que l’on avait du fuir en toute hâte. Elle y avait fait son nid, trouvant à manger des racines et des champignons comestibles et furetant dans le jardin abandonné pour y trouver quelques légumes. La rivière toute proche lui fournissait de l’eau. Après quelques jours, elle y avait vu des corps flotter à la surface. Immobile et silencieuse, la première fois, elle n’y avait plus fait attention. Il n’y avait que des morts. Des morts, partout.

Sauf ce matin, ou un camion s’était arrêté pour jeter un paquet sur le bord de la route. À l’intérieur des hommes hurlaient, tirant des balles de mitraillette en l’air. Mimi s’était cachée dans un trou, recouvert de planches, qu’elle avait creusé derrière la maison. Juste au cas où elle n’aurait pas eu le temps de s’enfuir. Le camion était partit. Mimi avait attendu longtemps avant de sortir de sa cachette et aller voir ce que c’était. Ce n’était pas de la nourriture. Encore un mort. Il n’y avait que ça. Sur le point de rebrousser chemin, elle avait entendu un râle sortir de la masse inerte. Et un deuxième. Sans bruit, elle s’était approchée. Le mort avait ouvert les yeux un instant.

- Déhana! Déhana, avait-il murmuré juste avant de perdre conscience.

Mimi connaissait Déhana. Mamé avait une statue bien en évidence dans la chambre commune. Déhana était la terre, la Mère nourricière, celle qui faisait germer les bébés dans les ventres. C’était aussi elle qui s’occupait des bébés qui ne voulaient pas avaler le souffle de vie. Elle les enveloppait de sa membrane de terre noire et avec le soleil et la pluie, elle les transformait en lumière. Ainsi, il pouvait revenir à l’intérieur d’un ventre sans avoir peur du noir.

Mimi souleva l’homme par les épaules. Fiévreux, il était blessé à plusieurs endroits. Des plaies béantes, d’où le sang avait séché, lacéraient son dos et ses mains. Il n’avait pas de chemise et son pantalon était en lambeaux. Trop lourd pour elle, elle réfléchit à la façon de le conduire à l’intérieur. Derrière la maison, il y avait une vieille brouette qu’elle avait utilisé pour rapporter un sac de farine de maïs qui traînait abandonné. Le soleil était haut dans le ciel et l'atmosphère devenait de plus en plus lourde. Elle devait faire vite.

Ramenant la brouette près du corps, elle s’y prit à plusieurs reprises pour le hisser à l'intérieur. Le pousser dans le champ et les herbes hautes, lui arracha des gémissements tellement il était lourd. Elle tomba deux fois et faillit tout abandonner. Le soleil implacable plombait sur eux, alourdissant les gestes et les efforts.

Mimi arriva enfin à le coucher sur une paillasse dans le fond de la cabane. Épuisée, elle se retint de hurler. Après avoir vu ses parents être assassinés, frappés à coup de machettes, cet homme blessé qui respire encore est sa planche de salut. Le faire boire, nettoyer ses plaies, appliquer un onguent de feuilles comme sa Mamé le lui a montré, pour guérir les maux de la peau.

Jour après jour, nuit après nuit, veiller la vie qui s’accroche. Veiller jusqu’au premier réveil, jusqu’au premier instant où ses yeux s’ouvriront, comme le premier regard de l’enfant qui vient de naître. Un nouveau-né qui hurle sa faim d’un cri déchirant. Mamé l’avait souvent amené avec elle pour lui montrer comment sortent les bébés du ventre de leur Ama. Elle avait appris aussi à les nourrir pour qu’ils deviennent grands et forts. Elle ferait la même chose pour l’homme.

Elle lui souffla dans la bouche le souffle de vie comme tant de fois elle avait vu Mamé le faire avec les bébés. Mais aujourd’hui c’était elle la Mamé, la donneuse de vie.


La longue veille commença.

Jour et nuit, elle lui donna du lait de chèvre mélangé à de la poudre de maïs. Ce sac de maïs qu’elle avait trouvé, éventré, sur le bord de la route. Tout comme la chèvre errante, penchée au-dessus d’elle un matin à l’aube. La chèvre qui l'avait trouvé et avait gardé Mimi en vie.


samedi 15 septembre 2007

À l'aurore

Le temps dans sa toile a tissé une larme
Baiser lointain d’un destin voilé de charme
Un éclat de douleur poussiéreux de silence
Qui transperce le jour de torride violence

Émergeant du néant, inondée de splendeur
Mon âme s’enchaîne à la lueur de l’ombre
Qui sur elle s’est affligée de funèbre noirceur
Vacarme d’un souvenir ensevelit dans sa tombe

La Belle dans son voile aux soupirs anonymes
Abandonnée à l’aurore dans l’alcôve intime
Âme errante dans les couloirs de l’infini
S’abreuvant à la source, au vin de l’oubli

jeudi 13 septembre 2007

Renaître en un instant

L'idée du blogue c'est aussi de vous partager qui je suis à travers l'écriture, mais aussi ce qui me touche. Beaucoup de ce qui m'inspire émane de mes expériences et des rencontres que je fais. Voici un court extrait d'un livre que j'ai écrit il y a plusieurs années. Une mère de larmes. C'est un texte que j'ai rangé sur les tablettes parce qu'il est très proche de moi et qu'au moment où j'ai commencé à le retravailler, je n'arrivais pas à avoir le recul nécesaire. Ma mère est partie de chez nous quand j'avais 8 ans et elle a été diagnostiqué comme schizophrène après une longue dépression. J'imagine que je me suis trouvée une sorte d'exutoire en écrivant un texte sur les conséquences de la maladie mentale sur les familles et en particulier sur les enfants. L'extrait que je vous partage est le court récit d'un moment réel survenu quelques semaines après que nous ayons retrouvé ma mère qui venait de vivre une période d'itinérance.

Nous sommes au parc. Un élan de tendresse me submerge. Un sourire qui illumine, une vague d'amour. Je passe une main dans ses cheveux, lui racontant une banalité sur les shampooings. Tendre caresse dans la douceur de l’après-midi. Le soleil, haut et fort, brûle de lumière, éblouissant de rayon de joie. J'enroule une mèche poivre et sel, autour de mes doigts. La peau de son cou est douce. J'erre dans son dos, lui offrant toutes les caresses qu'elle m'a refusées si longtemps. Ma main respire la vie qui émane d’elle. Maman. Je le répète à chaque fois que je le peux. Maman. Elle me parle de ses cheveux, d'une futur visite chez le coiffeur. De son envie de couleur. Une mèche jaune, verte, bleue et mauve. Coquetterie d’adolescente. Cette impression soudaine que j'ai qu'elle ne réalise pas que le temps a filé.
Son sourire s'éclaire d'un visage d'enfant, éveillant ses beaux grands yeux bleus, pétillants de malice. Je suis émue de sa joie. Comme si, pour elle, une seule nuit avait passé. Une seule nuit entre cet instant où on me l’a enlevé et ce moment présent si fragile dans le parc. Sa jeunesse d'hier toujours intacte. Les cheveux de toutes les couleurs, la vie qui s'éclate en elle.
Son rire a surgi spontanément, me fascinant par sa simplicité. Un rire profond, vrai. Un rire qui met du baume sur l'éloignement. Cette tendresse renouvelée, l'ouverture aux charmes de la vie. Cette petite joie, une immense grâce.
Nous marchons main dans la main, maman et moi. Ensemble.
Je ne me souviens pas quand tout cela a commencé. Mais je sais qu'aujourd'hui, ce sourire efface les ombres de la nuit, le pirate sous le lit, le cauchemar au fond du placard, les ténèbres, l'oubli. L'étincelle de vie qui s'éveille dans ses yeux inonde le jardin d'amour qui fleuri sous nos pas. L'amour qui se partage entre maman et moi.
Maman endormie si longtemps. Je ne sais quel doux prince l'a éveillé d'un baiser. Je ne sais quelle prière l'a ramené à la vie. Je ne sais quel lampion a rallumé l’amour en elle.
Je ne sais pas comment tout cela a commencé. Ce voyage au bout des ténèbres, ces années de solitude. Mais cette main chaude dans la mienne contient l'éternité. Je retourne dans son ventre chaud, me bercer au son de son coeur. Roulement de tambour annonçant mon arrivée. Aujourd'hui dans sa main, je renais au monde.
La maladie nous a éloigné. La maladie nous a rapproché. Enfin! Enfin, tout va bien! Les larmes sont là. Elles s'écoulent de mon coeur, apaisantes et purifiantes. Je touche enfin mon âme. Je pleure. Je pleure une mère de larmes.

mercredi 12 septembre 2007

Anastasia

À temps perdu j'écris quelques idées pour le recueil de nouvelles : Comme des lucioles dans le vent. Je vous présente aujourd'hui Anastasia, qui est venue hanter mes pages à quelques reprises. Évidemment cela deviendra un texte beaucoup plus élaboré avec le temps, aujourd'hui je vous partage mes notes préliminaires.


Au bord de sa fenêtre le ciel semble si loin et si proche en même temps. Quelle sensation de s’élever vers le soleil? Quelle sensation de s’évaporer dans le néant et laisser son âme disparaître dans le temps. Sans un regard derrière. Sans une pensée guerrière.

Au bord de sa fenêtre le sol semble si loin et si près en même temps. Quelle sensation de flotter dans l’air? Quelle sensation de s’écraser sur le sol? Sentir ses os craquer, le squelette se casser. Laisser la vie s’échapper dans chaque éclat d’os brisés.

Assise sur le bord de sa fenêtre elle n’entend plus la terre qui tourne. Son cœur ne résonne plus des rires de l’enfance. L’amour ne trouve plus d’écho dans son cœur blessé.

La douleur. Sa présence. La peur qui pulse dans chaque cellule. À ses oreilles les mots vils des sots. Les mains sales sur sa peau. Un tremblement, un frisson d’effroi à la pensée du couteau sur sa gorge. Le courage défaillant, ne pas lutter. La peur. Les larmes qui coulent sans bruit.

Ses longs cheveux dénoués qu’elle a voulu arracher pour avoir mal. Ses poignets qu’elle n’a pas entaillés par peur d’avoir mal. La pilule oubliée pour rester consciente. La pilule avalée pour annihiler sa conscience.

Assise sur le bord de sa fenêtre, elle n’entend pas le cri de sa sœur, la question restée en suspend. La sensation d’une vague présence. L’esprit qui s’embrume déjà.

La chute.

Sans un cri, sans un son. Sans un sursaut de son cœur meurtri, elle laisse son corps foncer vers le sol. Elle laisse son corps s’éclater au sol. Sans un filet de sang, inerte, un corps sans vie.

Faiblement, son cœur bat. Une étincelle de vie, un éclat de désir, une cellule qui respire. Le regard rivé au ciel, inatteignable. Elle ne saura jamais ce que c’est que de s’évaporer dans le néant. Déjà la douleur s’infiltre puissante, dans ses os brisés. Une larme, une seule, avant de sombrer dans le noir.

On s’affaire autour d’elle. Les pleurs des mères accompagnent sa chair meurtrie. Elle ne les entendra jamais. L’amour versé en larmes ne lavera pas sa peine, ne l’enveloppera pas de douceur. Déjà on prétend. On nie la douleur, la détresse. Déjà on excuse son geste. C’est un accident. Un accident de parcours.

Comment laisse-t-on des âmes si douces connaître la peur? Où étions-nous? Comment une âme si pure goûte-t-elle à la noirceur? Où étaient nos mots apaisants?

Où étions-nous?

Sur le bord de sa fenêtre un coup de vent. Un murmure du ciel, un appel envoûtant. Le corps démoli s’attarde un instant, au bord de cette fenêtre où tout s’est arrêté. Comme une feuille dans le vent elle s’est envolée. Déjà fanée à 14 ans.

Elle ne se rappellera pas de la chute. Elle ne reconnaîtra pas la douleur profonde de son âme. Il ne lui restera que l’intense douleur dans son corps. Autour d’elle, les larmes sur des visages fermés. Autour d’elle des êtres inconnus. Elle ne parlera plus. Elle continuera de regarder le ciel pour vouloir si évaporer.

dimanche 9 septembre 2007

Je n’ai pas pleuré

De mes yeux s’écoule la mer tranquille
Debout sur les quais, aux abords de l’île
Au loin, là-bas, la rumeur de la ville

Mais taisez-vous! Qu’explose enfin le silence!
Et que puissent vivre les rires de l’enfance
Loin, très loin de la souffrance…

Je n’ai pas pleuré les coups, les supplices
Enduré des jours l’humiliation, les sévices
Je n’ai pas pleuré…

De mes yeux s’écoule la mer tranquille
Anonyme dans les rues de la ville
Cette froideur qui doucement m’annihile

J’ai refusé l’ombre, ai marché en plein soleil
Vaincu la mort et ses nombreux sommeils
Je n’ai pas pleuré

mardi 4 septembre 2007

Premier essai

Ainsi donc je me lance dans l'aventure du blog. À force de dire à tout le monde que j'écris et d'inviter tout le monde à un lancement d'un livre que je n'ai pas encore fini et dont seulement quelques privilégiés ont pu lire quelques lignes... pourquoi ne pas sortir de ma caverne et partager l'aventure.
Donc, au fil des jours je vous partagerai mes découvertes et ferai état du développement de mes différents projets d'écriture. J'ai parfois des angoisses, mais jamais de syndrôme de la page blanche. J'aime recevoir du feedback et quand il n'y en a pas je conclus rapidement que finalement je devrais changer de rêve... l'angoisse!!! Mais je me reprends assez rapidement lorsque les murmures s'intensifient et que ma plume me démange. C'est la pratique qui nous rends meilleurs ;-)
Je n'entends pas de voix dans ma tête... non, non. Lorsque l'on écoute attentivement, il y a derrière le bruit continu du monde qui nous entoure, un espace où se raconte d'innombrables et d'innommables histoires. Là réside des âmes perdues, cherchant la voie de l'apaisement.
Je m'amuse énormément et j'expérimente sur divers thèmes. Merci de m'accompagner dans l'aventure.