jeudi 13 septembre 2007

Renaître en un instant

L'idée du blogue c'est aussi de vous partager qui je suis à travers l'écriture, mais aussi ce qui me touche. Beaucoup de ce qui m'inspire émane de mes expériences et des rencontres que je fais. Voici un court extrait d'un livre que j'ai écrit il y a plusieurs années. Une mère de larmes. C'est un texte que j'ai rangé sur les tablettes parce qu'il est très proche de moi et qu'au moment où j'ai commencé à le retravailler, je n'arrivais pas à avoir le recul nécesaire. Ma mère est partie de chez nous quand j'avais 8 ans et elle a été diagnostiqué comme schizophrène après une longue dépression. J'imagine que je me suis trouvée une sorte d'exutoire en écrivant un texte sur les conséquences de la maladie mentale sur les familles et en particulier sur les enfants. L'extrait que je vous partage est le court récit d'un moment réel survenu quelques semaines après que nous ayons retrouvé ma mère qui venait de vivre une période d'itinérance.

Nous sommes au parc. Un élan de tendresse me submerge. Un sourire qui illumine, une vague d'amour. Je passe une main dans ses cheveux, lui racontant une banalité sur les shampooings. Tendre caresse dans la douceur de l’après-midi. Le soleil, haut et fort, brûle de lumière, éblouissant de rayon de joie. J'enroule une mèche poivre et sel, autour de mes doigts. La peau de son cou est douce. J'erre dans son dos, lui offrant toutes les caresses qu'elle m'a refusées si longtemps. Ma main respire la vie qui émane d’elle. Maman. Je le répète à chaque fois que je le peux. Maman. Elle me parle de ses cheveux, d'une futur visite chez le coiffeur. De son envie de couleur. Une mèche jaune, verte, bleue et mauve. Coquetterie d’adolescente. Cette impression soudaine que j'ai qu'elle ne réalise pas que le temps a filé.
Son sourire s'éclaire d'un visage d'enfant, éveillant ses beaux grands yeux bleus, pétillants de malice. Je suis émue de sa joie. Comme si, pour elle, une seule nuit avait passé. Une seule nuit entre cet instant où on me l’a enlevé et ce moment présent si fragile dans le parc. Sa jeunesse d'hier toujours intacte. Les cheveux de toutes les couleurs, la vie qui s'éclate en elle.
Son rire a surgi spontanément, me fascinant par sa simplicité. Un rire profond, vrai. Un rire qui met du baume sur l'éloignement. Cette tendresse renouvelée, l'ouverture aux charmes de la vie. Cette petite joie, une immense grâce.
Nous marchons main dans la main, maman et moi. Ensemble.
Je ne me souviens pas quand tout cela a commencé. Mais je sais qu'aujourd'hui, ce sourire efface les ombres de la nuit, le pirate sous le lit, le cauchemar au fond du placard, les ténèbres, l'oubli. L'étincelle de vie qui s'éveille dans ses yeux inonde le jardin d'amour qui fleuri sous nos pas. L'amour qui se partage entre maman et moi.
Maman endormie si longtemps. Je ne sais quel doux prince l'a éveillé d'un baiser. Je ne sais quelle prière l'a ramené à la vie. Je ne sais quel lampion a rallumé l’amour en elle.
Je ne sais pas comment tout cela a commencé. Ce voyage au bout des ténèbres, ces années de solitude. Mais cette main chaude dans la mienne contient l'éternité. Je retourne dans son ventre chaud, me bercer au son de son coeur. Roulement de tambour annonçant mon arrivée. Aujourd'hui dans sa main, je renais au monde.
La maladie nous a éloigné. La maladie nous a rapproché. Enfin! Enfin, tout va bien! Les larmes sont là. Elles s'écoulent de mon coeur, apaisantes et purifiantes. Je touche enfin mon âme. Je pleure. Je pleure une mère de larmes.

1 commentaire:

nounouch a dit…

waw ! ça m'a donné des frissons ! j'en suis encore sans mot.. on sent vraiment que tu nous a ouvert une fenêtre sur ton coeur et sur tes brûlures, c'était émouvant de te lire ! c'est un réel plaisir d'apprendre à te connaître davantage à travers tes écrits! xxxxxx